Quelles sont les circonstances qui mènent au meurtre?
D'après vous, le meurtre aurait-il pu être évité ?

Quand le procureur a décrit aux jurés les événements qui menaient au meurtre de l'Arabe sur la plage, Meursault a reconnu la clarté de son résumé: « Ce qu'il disait était plausible.».

Dans ce résumé bref, le procureur a raconté que Meursault, « l'ami et le complice » de Raymond Sintès avait écrit une lettre pour attirer la maîtresse de Sintès à l'appartement de celui-ci. Par conséquent, Meursault avait livré la femme aux cruels traitements de cet homme, qui travaille comme souteneur. Après, selon le procureur, Meursault avait provoqué sur la plage les adversaires de Sintès- le frère et les amis de sa maîtresse. Sintès avait été blessé et Meursault lui avait emprunté son revolver. Il était revenu à l'endroit, seul, avec l'intention de trouver l'Arabe. Là, il avait abattu l'Arabe et, pour se rassurer qu'il était mort, il avait tiré posément encore quatre balles dans le corps.

Selon le procureur les événements qu'il avait retracés, révélaient un homme intelligent qui aurait, en pleine connaissance de cause, accompli un affreux crime , pour lequel il n'y avait pas de circonstances excusantes

La description des événements donnée par le procureur est en général exacte, mais son interprétation de ces événements est souvent fausse, et il comprend mal le caractère de Meursault

Le procureur a beaucoup exagéré l'amitié entre Meursault et Sintès. Sintès était tout simplement son voisin de palier. Meursault échangeait quelques paroles en passant et avait bu un verre avec lui. Quelques jours avant le meurtre, Meursault a été étonné que  Raymond l'ait tutoyé pour la première fois en disant « Maintenant tu es un vrai copain »,/

En effet, Meursault n'approuvait jamais les actions de Raymond mais il ne les désapprouvait pas non plus. Après avoir raconté à Meursault comment il avait battu sa maîtresse, croyant qu'elle l'avait trompé, Sintès voulait savoir ce que son voisin pensait de cette histoire. Meursault, qui ne juge jamais les autres, a répondu qu'il n'en pensait rien, mais que c'était intéressant.

Le procureur n'était pas juste envers Meursault en disant qu'il a écrit la lettre à la maîtresse de Sintès, parce qu'il s'associait à ses projets. Meursault a accepté à écrire la lettre sans enthousiasme n'ayant pas de raison. Il était probablement ivre et a écrit un peu au hasard. Par contre l'inaction de Meursault quand Raymond a battu sa fille, et les déclarations que Meursault a fait au commissariat pour exonérer Raymond sont difficiles à justifier et paraissent être des actes de collaboration

Le procureur accuse Meursault d'avoir provoqué les Arabes. Il aurait pu ajouter que les Arabes avaient déjà été assez provoqués par l'attaque brutale de Sintès contre leur sœur Ils suivaient Sintès depuis des jours, attendant le bon moment pour leur revanche. Il y a eu trois rencontres avec les Arabes sur la plage le dimanche où ils sont allés au chalet de Masson, et la conduite de Meursault n'était pas provocatrice pendant les deux premières rencontres

A la première bagarre, Raymond à demandé à Meursault de se tenir à l'écart, dans le cas où un troisième Arabe arrive. Sa seule intervention a été de crier à Raymond quand un des Arabes a tiré un couteau.

La deuxième rencontre a eu lieu après que Raymond s'était fait soigner les blessures. Raymond voulait sortir tout seul chercher le Arabes, un revolver à la poche. Meursault, au risque de le contrarier, l'a suivi. Ils ont trouvé les Arabes, couchés près d'une petite source qui coulait dans le sable. Raymond était prêt pour une bagarre, mais Meursault a fait de son mieux pour l'en dissuader. Meursault a dit que «ça ferait vilain de tirer » quand l'homme ne lui avait pas adressé un mot. Raymond l'a accepté et a proposé de l'insulter pour provoquer une réaction, après quoi il le « descendrait ». Meursault a retenu Raymond encore, disant qu'il fallait attendre que l'Arabe sorte son couteau.  Il a dit à Raymond qu'il devrait se battre d'homme à homme. Meursault a réussi à prendre le revolver à Raymond prétextant qu'il pourrait tenir en respect l'autre Arabe, armé du couteau. Il n'y a pas eu de combat.  Après quelques moments d'incertitude, les Arabes ont disparu derrière le rocher. Les actions de Meursault avaient évité une situation dangereuse, peut-être mortelle.  Cependant, Meursault était désormais en possession du revolver.

Après cela, la troisième rencontre offre une grande contradiction. Quelques minutes plus tard, Meursault a rencontré ce même Arabe tout seul; il s'est avancé vers lui, l'a provoqué a sortir son couteau ; puis il l'a tué, tirant sur lui cinq fois au total. Ces faits sont incontestables.  Pourtant, malgré l'avis du procureur, il y avait des circonstances atténuantes que les jurés auraient dû prendre en considération avant de condamner, Meursault.

Sa perception brouillée par la fatigue, par l'émotion des femmes dans le cabanon, par la clarté aveuglante du soleil, et la chaleur fatigante, Meursault n'était pas conscient de ce qu'il faisait quand il a tiré.  A ce moment ses yeux étaient aveuglés derrière un rideau de larmes et de sel.  Dans la lumière du soleil, le couteau lui semblait une longue lame étincelante qui l'atteignait au front.  Involontairement il a crispé la main et le coup est parti.  En désespoir, il a tiré encore quatre fois.

Meursault a eu de la difficulté à exprimer aux avocats ses problèmes de perception

Son avocat n'avait pas été impressionné quand il lui avait expliqué qu'il avait une nature telle que ses besoins physiques dérangeaient souvent ses sentiments. Quand le juge d'instruction lui a demandé pourquoi il avait attendu pendant un moment entre le premier et le second coup, Meursault a revu encore la plage rouge et a senti la brûlure du soleil, mais il n'a rien répondu. Vers la fin du procès, le président de la cour demande à Meursault de lui faire préciser les motifs qui avaient inspiré son acte. Tout ce qu'il a pu dire en se rendant compte de son ridicule, c'est qu'il l'a fait à cause du soleil.   Il y a eu des rires dans la salle.

Pour bien comprendre les événemends qui mènent au meurtre, la question du motif de Meursault est très importante.  Selon le philosophe existentialiste, le corps et l'esprit forment une unité et l'un affecte l'autre, comme dans l'expérience de Meursault.  Par conséquent, la vie que nous menons est souvent irrationnelle Pourtant, nous refusons d'accepter cette vérité et exigeons la clarté et la certitude et nous vivons donc dans l'absurdité.  Meursault est condamné par une société qui refuse d'accepter les incertitudes de notre existence. Meursault est sûr que l'absurde représente la réalité et lui et les existentialistes croient que « Les autres aussi, on les condamnerait un jour. » Pour tout le monde, comme pour Meursault, c’est une question importante à laquelle il n'y a pas de réponse.

Un autre aspect de l’irrationalité de nos vies provient des effets du hasard.  Le procureur a demandé à Meursault pourquoi, il était retourné, armé, tout seul, vers la source, c’est à dire vers un endroit précis.   Meursault a répondu que c’était le hasard.  Sur quoi le procureur a terminé l’interrogation.  Il était évident à tout le monde que Meursault, un home intelligent, était retourné à cet endroit avec l’intention assuré de tuer l’Arabe, parce nous sommes des êtres rationnels et nous habitons un monde rationnel.  Mais le procureur a eu tort et Meursault a dit la vérité.  Il possédait le revolver par hasard, ayant pris l’arme à Raymond pour l’empêcher de tuer l’Arabe.  Il gardait le revolver par hasard, parce qu’il n’avait pas eu le courage de remonter les marches pour rentrer dans la cabane et le rendre à Raymond.  Le temps qu’il faisait ce jour-là  était insupportable pour Meursault.  Il se sentait toujours trop déconcerté par un soleil intense.  Meursault cherchait seulement la fraîcheur de la source et c’était un manque de chance si l’Arabe, qui a semblé s’en aller après la deuxième rencontre, était revenu à cet endroit.  Les événements de ce jour fatal auraient pu être tout à fait différents.

Il est difficile d’accepter que, menacés toujours par les actions du hasard, nous ne pouvons pas maîtriser les circonstances de notre existence.  Il y a peu de sécurité dans une existence où les forces irrationnelles sont toujours présentes. Comme le procureur et comme les jurés nous préférons nier cette vue de la condition humaine.  Ce démenti a ses victimes cependant.  Camus nous dit qu’il avait essayé de figurer dans le personnage de Meursault « le seul Christ que nous méritons ».